L’humiliation banale du cloche-pied de mon enfance

Bastien Siebman
3 min readFeb 3, 2018

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Il m’a fallu plusieurs années pour me rappeler de cet évènement, mais j’ai tout de suite compris qu’il était à la base de ce que je suis devenu plus tard.

Je devais avoir une dizaine d’années, peut-être moins. Les détails sont confus. Je crois que c’était le jour de la fête de la Saint Jean dans mon village. Des activités pour les enfants avaient été organisées l’après-midi, comme une course d’obstacle à laquelle j’ai participée. Il fallait faire le parcours à cloche-pied le plus rapidement possible. Ce fut une activité parmi plusieurs autres cet après-midi là.

La journée se termina de manière assez banale. Le soir avait lieu une remise des prix sur une scène devant quelques dizaines de personnes. Est-ce que c’était vraiment une remise des prix ? Est-ce qu’il y avait vingt personnes ou cent ? Je ne me rappelle pas, et ça n’a pas beaucoup d’importance. Tout ce dont je me rappelle c’est qu’à un moment donné mon nom a été prononcé au micro par l’animatrice, m’incitant à monter sur scène. Je la rejoins. Elle parle de la course d’obstacles et me demande de montrer comment je fais bien le cloche-pied. Je m’exécute. L’audience rigole. On me fait comprendre que ce que je viens de faire n’est pas un cloche-pied mais des sauts à pieds joints. Je descends de la scène et retourne à ma place.

Je me rappelle avoir pleuré ce soir là dans ma chambre.

Mes parents ne se rappellent pas de cet évènement. J’ai également oublié cet épisode pendant des années et il a refait surface il y a quelques temps. Ayant moi-même des enfants maintenant, je n’imagine pas les voir subir ce genre d’humiliation gratuite. A quoi pensait cette dame qui m’a fait monter sur scène ? Est-ce qu’elle s’est dit que du haut de mes quelques années j’aurais assez d’auto-dérision pour en rire avec l’audience ? L’événement a probablement été perçu comme mignon par tout le monde, mais personne ne s’est soucié de savoir comment je l’avais vécu personnellement.

Depuis ce jour, je n’ai plus le même regard sur les humiliations même anodines. Je n’aime plus les blagues consistant à mettre des gens dans l’embarras. Je ne supporte plus les personnes sans empathie qui sont incapables de se mettre à la place des autres en se disant “tiens peut-être qu’il ne savait pas, je vais lui expliquer” et préfère avoir des réactions condescendantes comme “ne me dis pas que tu ne savais pas quand même ?”.

N’oubliez jamais que vos mots et vos actes ont un impact qui peut être bien plus grand que vous ne l’imaginez. Mettez-vous à la place des gens. Laissez le bénéfice du doute. Ne vous moquez que des personnes que vous connaissez bien, et vérifiez régulièrement avec eux qu’ils l’acceptent toujours…

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Written by Bastien Siebman

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